La Savoie : au cœur du vignoble

Le mois de décembre rime avec fondus, raclettes, tartiflettes… Alors que le froid s’est installé petit à petit dans toute la France, je souhaite faire un point sur le vignoble de Savoie !

Histoire

La Savoie est une région ayant un passé historique viticole riche. En effet, durant des fouilles archéologiques, nous avons découvert des pépins datant de la période néolithique (-6 000 Av J.C) près du lac Léman et des écrits, notamment de Pline et Columelle (un écrivain naturaliste et un agronome romain) nous montrant que la Savoie était déjà reconnue pour la qualité de ses vins. Tout comme le Beaujolais, le premier cépage que l’on trouva est l’Allobrogica, du nom de ce peuple celte “Les Allobroges”.

Après la chute de l’Empire Romain, ce sont les moines qui prirent le relais dans la gestion du vignoble. Leur quête d’amélioration de ce dernier les amènent à s’intéresser aux questions de viticulture et de vinification. Au Moyen-Age, la vigne est cultivée en pergola, en foule (sans alignement) et en souches élevées. De nombreux hospices sont installés par les moines et leur besoin en vin s’intensifie au fil des constructions pour accueillir les voyageurs.

Le vignoble progresse et c’est ainsi que l’amplitude des vignes se décline des plaines jusqu’à des versants de plus de 1000 mètres d’altitude. Dès le XIIIe siècle, les bourgeois et les nobles s’intéressent de plus en plus aux vignes, étant une activité plus rémunératrice que d’autres types d’agriculture.
Mais un autre fait marquant l’histoire de la Savoie survient : la chute du Mont Granier (1 933 mètres), autrefois nommé Mont Apremont, il a été rebaptisé après la destruction d’une des 5 paroisses du nom de “Granier” suite à cet événement en 1248.

Cet éboulement, sans doute le plus grand de l’histoire d’Europe, a permis aux crus Apremont et Abymes de naître. Les vignes sont plantées sur l’éboulis du Mont Granier, un sol mélangeant des marnes et des calcaires, couplées à un ensoleillement parfait, mettent à disposition des viticulteurs un terroir d’exception donnant les vins les plus connus de Savoie.

L’histoire continue avec le Duc Emmanuel Philibert décidant en 1559 dans un écrit, de favoriser les vendanges quand les raisins sont à bonne maturité, et par conséquent, limiter une surproduction peu qualitative.

En effet, beaucoup de paysans plantèrent de la vigne mais la qualité n’était pas au rendez-vous, on obtenait un vin âpre avec un faible degré d’alcool. Les travailleurs et paysans, n’étant pas très difficile, constituaient la clientèle de ces vins aux vinifications douteuses.

Au fil des siècles, les viticulteurs ont amélioré leurs techniques de vinification mais aussi de conduite du vignoble. Les vignes deviennent ordonnées (comme on peut voir aujourd’hui) et la taille se fait basse et non plus en pergola.

En 1792 pendant la révolution française, les vignobles sont repris des mains du clergé et de la noblesse pour être revendus aux particuliers, ce qui laisse la possibilité à des paysans de reprendre des vignobles devenus biens nationaux et y apporter un soin accru…

Quels type de vins ?

Les différents crus sont plantés sur des sols d’alluvions (composé principalement d’argiles et de limons), de moraines glaciaires, de cônes d’éboulis et de terrasses fluviales. D’une superficie de 2 200 hectares, le vignoble compte 3 AOC et 20 dénominations géographiques bénéficiant d’un climat de type continental-montagnard, à influences océanique et méditerranéenne.

Les AOC :

  • Roussette de Savoie : Cépage Altesse, des sols argilo-calcaire et des marnes. Des vins d’une intensité certaine au nez avec notamment des notes de miel, de noisette et d’amande. Franc et vif en bouche avec une belle finale persistante.
  • Seyssel : Les cépages Altesse et Molette sont utilisés pour les vins blancs tranquilles et effervescents. Un nez sur la poire et la pêche, puis des notes florales de tilleul apparaissent pour continuer le voyage. En bouche, un vin plutôt gras et dense avec une finale longue.
  • Vin de Savoie : Pour les blancs, on obtient des vins avec une robe jaune pâle, un des arômes de fleurs blanches et d’amande au nez. En bouche, dense et très fruitée. Des crus comme Abymes et Apremont peuvent attendre avant d’être dégusté. En rouge, 3 cépages : Mondeuse, Pinot Noir et Gamay. Des vins avec des notes de fruits rouges, très typés. En bouche, une attaque franche suivi d’une matière puissante avec un très bon équilibre.

On peut également produire des vins mousseux de Savoie, selon la méthode traditionnelle. Parfait pour l’apéritif !

Les Crus :

  • Ayse : Un cru d’une vingtaine d’hectares de vignes seulement avec pour cépage le Gringet ! En terme de dégustation : des vins bien équilibrés avec des arômes de pêche blanche et de jasmin. A servir avec l’apéritif ou les fruits de mer.
  • Crépy : datant de 1948, ce vignoble s’étend aujourd’hui sur 90 hectares. Situé à côté du Lac Léman, il profite de la réverbération du soleil et par conséquent, de l’accentuation de l’ensoleillement sur le coteau. Le cépage planté ici est le Chasselas Doré, ou Fendant Roux (nom que donnent les voisins Suisses). Des vins avec des notes plutôt sur la noisette, l’amande douce.
  • Marignan : l’AOC a été reconnu en 1973, elle est elle aussi située à côté du Lac Léman et a comme cépage le Chasselas. Un goût prononcé sur le citron, l’ananas donnant un résultat sur le fruit tout en rondeur. N’attendez pas pour les boire, ils ne demandent pas à attendre !
  • Ripaille : C’est l’histoire d’un château entouré de 22 hectares : le Château de Ripaille. Comme précédemment, le cépage chasselas est le cépage planté sur ces terres. L’acacia, l’ananas et une subtile touche d’amande viennent aborder notre palais lors de la dégustation. Excellent avec le Reblochon et le Chevrotin.
  • Marin : Un mode de conduite de la vigne unique qui date du Moyen-Age : les “crosses”, c’est un mode de taille dans lequel les vignes poussent le long de troncs écorchés de châtaigniers plantés en terre. 14 hectares pour cette appellation avec un cépage chasselas donnant des vins sur la finesse et la rondeur.
  • Frangy : Situé au pied de la montagne du Vuache, ce cru bénéficie d’un climat doux et ensoleillé. Et cette fois on change de cépage avec l’Altesse, permettant aux viticulteurs de ravir nos papilles avec des vins aux notes florales, noisette, amande et miel, finissant avec une bonne minéralité.
  • Chautagne : Les premiers écrits à propos de ce vignoble date du Xe siècle. Une très bonne diversité de cépages pouvant être utilisés en rouge (Gamay, Mondeuse, Pinot noir, Cabernet) et en blanc (Jacquère, Altesse, Chardonnay, Velteliner-Chardonnay). On obtient logiquement une sélection de vin très variable en terme gustatif, allant des vins sur les fleurs blanches (Jacquère) aux fruits jaunes (Altesse) en passant par les vins rouges sur des notes de violette et de cassis. Ce sont des vins que vous pouvez conserver environ 5 ans. Idéal pour la fondue et le reblochon ! 😉
  • Marestel : Implantée sur des pentes de 30 à 70%, cette appellation doit son nom à Claude Mareste qui importa des plants d’Altesse de Chypre. Grâce à ce dernier, nous pouvons déguster des vins tout en fruit exotique mais aussi sur les épices et le miel.
  • Jongieux : Des paysages somptueux de collines et vallons… Voilà ce qui caractérise cette partie de la Savoie. Sur son sol plus ou moins argileux, c’est le rouge qui domine avec le cépage Gamay. Mais divers cépages sont possibles en vinification comme le Pinot Noir, la Mondeuse pour les rouges et l’Altesse, Chardonnay, Jacquère, Velteliner et l’Aligoté.
  • Monthoux : Une petite appellation très discrète avec des vignerons qui ne manquent pas de courage pour travailler sur de fortes pentes caillouteuses. Tout ce travail donne des vins subtils qui peuvent se conserver quelques années.
  • Monterminod : Un cépage Altesse pour des vins d’exception. 2 à 3 viticulteurs se partagent cette appellation existant depuis 1973. Les premières traces de ce vignoble date du XIe siècle.
  • Saint Jeoire du Prieuré : Propose des vins résultant du cépage Jacquère, malheureusement peu d’informations sur l’histoire de ce cru.
  • Apremont : L’une des appellations les plus connus de Savoie. Suite à l’effondrement du mont Granier il y a plus de 750 ans, le vignoble s’est développé pour en faire aujourd’hui la plus grande production de vins blancs de Savoie (28% de la production totale). La Jacquère apporte des saveurs de chèvrefeuille, de jasmin et d’amandes, le tout dans un équilibre bien mené.
  • Les Abymes : Comme son voisin, il profite de sols constitués d’ancienne moraines glacières et de marnes. Des notes plus prononcées de fruit et d’agrumes pour des vins, toujours vinifiés avec de la Jacquère.
  • Chignin : Au pied du massif des Bauges, le vignoble dispose de conditions idéales pour ces 4 cépages : Mondeuse, Gamay, Pinot et Jacquère. Représentant 9% de la production des vins blancs de Savoie, il se place en 3ème position, contrairement à sa production en rouge qui est très réduite. Les vins de Chignin peuvent attendre tranquillement en cave quelques années (5-8 ans).
  • Chignin-Bergeron : Depuis 1973, la qualité de ce cru ne cesse de s’améliorer, notamment d’un point de vue vinification. Ayant la même histoire que Chignin, Chignin-Bergeron se différencie par le cépage utilisé : la Roussanne. Et une garde pouvant être plus longue (5-15 ans)
  • Montmélian : Plus connu pour sa citadelle difficilement prenable, subissant 4 attaques majeures en 105 ans par les armées de France (seul Louis XIV réussira à passer les murs), Montmélian est un cru bénéficiant d’une exposition idéale et d’un sol composé de marnes. La Jacquère est le cépage dominant, et malgré la proximité de crus plus connus, faisant de l’ombre, Montmélian tire son épingle du jeu grâce au Musée Régional de la Vigne et du Vin exposant des collections uniques sur la viticulture.
  • Arbin : Arbin et Montmélian ne furent séparées administrativement qu’en 1779. Un seul cépage pour l’Arbin et il est rouge : la Mondeuse. Un cépage très typé donnant des vins bien structurés sur des notes épicées, de cerise et de violette. Des vins pouvant se garder plus de 10 ans pour certains !
  • Cruet : Situé au cœur de la combe de la Savoie, le vignoble se situe sur le versant sud du Massif des Bauges. Un cépage blanc majeur : la Jacquère. Une cave coopérative a par ailleurs vu le jour en 1939. En dégustation, on est plutôt sur des vins minéraux avec une belle trame et une belle longueur en bouche.
  • Saint Jean de la Porte : La dernière ! Elle existe depuis 1973 et est déjà présente dans la période romaine. Bénéficiant d’une position privilégiée sur la vallée, on obtient des vins issus de Mondeuse très fruités et épicés, presque animale. Une belle amplitude aromatique pour l’un des plus exquis cru de Savoie.

En ces périodes de fêtes, la Savoie viticole regorge de pépites à ouvrir et partager en famille ou entre amis. Que vous aimiez la minéralité ou des vins plus gras, vous trouverez votre bonheur dans ce vignoble qui n’a cessé d’évoluer au cours de l’histoireProfitez pendant ces fêtes mais aussi toute l’année du savoir-faire de ces femmes et de ces hommes, et pourquoi pas, tester des cépages emblématiques comme l’Altesse, la Jacquère ou encore la Mondeuse…?

En vous souhaitant de futures belles dégustations…

À bientôt