La Champagne

Dans cet article, je vous emmène là où les bulles sont reines : en Champagne. Au point de vue historique, cette région est pionnière dans l’art d’élever les bulles et est aujourd’hui l’incontournable en la matière. Elle est également ancrée dans la culture, on pense “champagne” pour fêter une bonne nouvelle par exemple. Mais quelles ont été les clés du succès ? Voyons ça d’un peu plus près !

L’histoire d’une région surprenante

Les origines sur la région semblent floues compte tenu du peu d’informations que nous disposons : Des archéologues ont retrouvé des vases et des coupes mais il est impossible de déterminer si du vin avait été servi dedans, la piste “cervoise” (ancienne bière) est privilégiée. Certains pensent que de la vigne avait été trouvé par les Romains près de Durocortorum, la ville de Reims aujourd’hui, en 80 avant J.C mais les écrits sur lesquels ils s’appuient paraissent erronés.

Dès 498, Clovis alors roi des Francs, fait entrée la Champagne et plus particulièrement la ville de Reims dans l’histoire. Il y est sacré roi par l’évêque Saint-Rémi. C’est alors le premier sacrement d’une longue série au sein de cette région, et durant ces festivités, le vin servi n’était autre que local. C’est à partir de ce moment là que la champagne viticole a été associé à la festivité, même si les vins de cette époque n’étaient pas encore effervescents. Ces vins coulaient en abondance sur les tables des nobles, qui appréciaient déjà leur qualité et leur finesse. Ces nobles, étant plutôt fortuné, représentaient une clientèle non négligeable pour les viticulteurs de l’ancien temps.

Au bon endroit au bon moment !

Dès le Moyen-Âge, les moines cultivèrent la vigne et en améliorèrent les procédés (culture de la vigne, vinification…). L’intérêt pour le clergé était avant tout d’utiliser les vins champenois lors de l’Eucharistie (sacrement chrétien) comme sang du Christ. Près de Reims et de Châlons-en-Champagne se développe, étape par étape, le vignoble que l’on connaît actuellement. À partir de 660, l’abbaye de Saint-Pierre-aux-Monts (Châlons-en-Champagne), planta de nombreuses vignes dans les domaines qu’elle possédait. L’expansion commença et le commerce s’intensifia vers la capitale, non loin de là.

Durant le XIIe siècle et plus précisément en 1114, la Champagne par le biais de Guillaume de Champeaux, évêque de Châlons-sur-Marne, émet l’acte fondateur du vignoble : la Grande Charte Champenoise. Comme nous avions pu le voir dans l’article précédent (séance de rattrapage ici), cette charte confirme l’abbaye de Saint-Pierre-aux-Monts dans toutes ses possessions agricoles et vinicoles. Une autre abbaye a été aussi d’une importance capitale : l’abbaye bénédictine Saint Pierre d’Hautvillers est fondée par l’archevêque Saint Nivard. Elle possédait beaucoup de domaine viticole et perdura jusqu’au XVIIe siècle. Il faut savoir qu’à cette époque, les vins sont alors classés comme “Vin de France”.

(Le roi Clovis, le premier d’une longue liste à pouvoir déguster du champagne durant son sacre)

Une renommée grandissante

La réputation de la région dépasse les frontières pour atteindre un public plus qu’enthousiaste à l’idée de déguster du Champagne : l’Angleterre. Durant cette période, les anglais raffolent de ce vin qui coûtaient plus chers que les vins d’Anjou déjà présents sur leur marché. Le champagne était par ailleurs acheminé par la Marne puis la Seine pour ensuite atteindre la cour anglaise.

Les rois d’Angleterre se succèdent mais ont tous ce petit penchant pour le champagne, les livraisons en barrique continuent, même durant la guerre de Cent Ans (1337 – 1453). Au XIV et XVe siècle, la renommée des vins de champagne n’est plus à démontrer, même si on s’aperçoit assez vite que ceux-ci, mis en barrique, vieillissent mal. Vers 1660 et pour palier à ce défaut, on les met alors en bouteille afin de mieux les préserver et en garder toute la qualité.

Pendant ce temps, les viticulteurs sont constamment à la recherche des meilleurs sols et parcelles car, ils l’ont compris, le vin est fortement apprécié par les nobles mais aussi les rois. Ils cherchent alors à en améliorer la qualité pour concurrencer les vins de Bourgogne, très prisés eux aussi. Concernant l’exportation, les Pays-Bas deviennent à leur tour des clients importants et les rapports commerciaux s’intensifièrent.

Au XVIe siècle, les vignobles font parti des biens très important à posséder pour les bourgeois, leur valeur ne faisant que progresser au fil des années. De plus, les nobles ayant des terres viticoles étaient mieux vus par les rois, il était par conséquent plus facile de s’attirer les faveurs de ces derniers.

Un vignoble sans cesse en progression

En 1670, un homme va changer le cours de l’histoire champenoise : Dom Pérignon. Dom Pérignon (1638-1715), un moine cellérier de l’abbaye bénédictine d’Hautvillers, est le premier à pratiquer l’assemblage de raisins de différents crus et cépages, qui affine le vin et en fait disparaître certains défauts. Se procurant les grappes grâce à la dîme (obligation des vignerons locaux de livrer au monastère une part de leur récolte), il avait alors des raisins bien différents venant de terroirs eux aussi bien différents, il a alors pu expérimenter les assemblages. Tout était fait selon ses goûts et il changea sa façon d’élaborer les vins selon les années froides, pluvieuses, grappes tardives,… Le vin devint une science qu’il perfectionna durant de nombreuses années.

(Dom Pérignon devant la maison Moët & Chandon)

À l’époque, les bouteilles étaient bouchées avec des chevilles de bois garnies d’étoupe imbibée d’huile. Il changea également ça, en voulant quelque chose de plus esthétique et plus pratique, le liège arriva !

Il découvre par la suite la fameuse méthode des vins effervescents en prenant le contrôle de la prise de mousse et donne ainsi la possibilité aux vinificateurs de l’époque de totalement changer la conception du vin mis en bouteille dans la région champenoise. Puis, la pression étant très élevé dans les bouteilles de pétillant, il aurait renforcé le verre des bouteilles afin qu’elles n’explosent pas. Le Champagne voit le jour tel qu’on le connaît aujourd’hui et est servi sur les tables des plus grands comme Louis XIV.

Suite à cela, les vignerons champenois finirent ainsi par acquérir la prise de mousse, la clarification et le dégorgement, permettant l’obtention d’une effervescence régulière, une finesse de bulles et une persistance remarquable…

Des domaines d’exception

Certaines qualités qui ont permise à des maisons comme Ruinart de se créer, en 1729 à Epernay, et de prospérer sur un marché porteur. En 1743, Claude Moët ouvre le domaine Moët avant que Pierre-Gabriel Chandon ne rejoigne la maison en 1833 : Moët & Chandon est née.

D’autres domaines arrivent par la suite : Veuve Clicquot en 1772 par François Clicquot. Après le malheureux décès de ce dernier, c’est sa femme Barbe-Nicole Clicquot-Ponsardin qui reprend le domaine avec un sens des affaires qui lui a permis de faire connaître le domaine au delà des limites. Pendant ce temps à la cour de Louis XV, les nobles apprécient et scellent l’idée que le Champagne est un produit de festivité. La Marquise de Pompadour ira même jusqu’à déclarer : « le Champagne est le seul vin qui laisse la femme belle après boire » .

Le saviez-vous ?

Le champagne était bu sur les champs de bataille, là encore pour fêter les victoires. Durant les campagnes de Russie, Napoléon a battu l’armée du Tsar à Smolensk. Les nobles locaux se consolèrent alors au Champagne “délicieux bien que français”.

En 1829, c’est la maison Bolllinger qui ouvre grâce à l’association du comte de Villermont avec Jacques Joseph Bollinger et Paul Renaudin.

Les appellations que l’on connaît aujourd’hui ont été revu plusieurs fois : En 1887, le syndicat des grandes marques de champagne obtient la propriété du mot « Champagne » pour tous les vins issus de la région. En 1908, une première zone d’Appellation d’Origine Contrôlée est tracée, délimitant 15 000 hectares de vignes.

Mais c’est en 1927 que la délimitation actuelle est née, soit environ 34 000 hectares réparti sur quatre régions : La Montagne de Reims, La Côte des Blancs et la Côte de Sézanne, La vallée de la Marne, La Côte des Bar. À noter que le vignoble de l’Aube revient dans la délimitation après une grande révolte en 1911 (les vignerons ne souhaitant pas être exclu de l’appellation) alors que, comme toute la France, le vignoble était déjà sévèrement touché par le phylloxera.

Commercialement, le champagne s’est démocratisé pendant les Trente Glorieuses (1946- 1975), bien aidé par des campagnes marketing soumettant un nouveau concept : boire le champagne à l’apéritif. Cela peut paraître étrange mais le champagne n’était bu qu’en dessert autrefois, les mentalités ont changé et même si l’on festoie généralement lorsque l’on boit du champagne, on ouvre la bouteille dès l’apéritif.

Aujourd’hui, les 15 000 vignerons champenois tirent le meilleur parti de leur terroir et nous montrent l’étendue de leur savoir-faire à travers leurs cuvées…

Comment ces grands vins naissent ? Quelles sont les caractéristiques de cette région ? La réponse dans le prochain article.

À bientôt.