Des verres ayant des pieds, cela parait normal de nos jours… Pourtant, c’est un ensemble de péripéties qui a amené l’Homme à cette invention.
De la création des premiers verres en Égypte à la flûte de champagne, tout en passant par la cour du roi Louis XIV : embarquez avec moi pour découvrir l’histoire du verre de vin !

Les origines
Nous voici en Égypte (1 500 avant J.-C.), le verre est déjà utilisé en tant que matériau. Seulement, il ne l’est pas pour servir du vin mais plutôt, pour créer divers objets (utiles ou décoratifs) comme des flacons de parfums, des parures…
Un pharaon d’Égypte du nom de Thoutmôsis III, régnant pendant 53 ans (-1478 à -1425 avant J.-C.) sur ce Royaume, serait le premier à fait naître l’industrie du verre. Considéré comme le « Napoléon de l’Égypte Antique » par certains égyptologues, Thoutmôsis III fut un grand conquérant et agrandit considérablement les frontières de l’Empire. Durant ses conquêtes, il captura de nombreux artisans qui deviendront les maîtres verriers de l’Égypte.
Même si les égyptiens maitrisaient l’art de manipuler le verre, ce sera finalement les romains qui l’utiliseront pour y mettre la précieuse boisson.
Bien évidemment, les verres produits ressemblaient davantage à des verres à eau. Les “œnologues” de cette époque n’étaient pas offusqués puisque ce fut monnaie courante, on peut facilement dire que la boisson de Bacchus coulait à flot dans ces récipients. Le verre, très rare durant cette période, était également réservé aux plus aisés, les plus pauvres n’ayant que de la terre cuite pour vaisselle…
La belle Venise !
Bien des siècles plus tard (XVème siècle), l’Italie fait naître un essor considérable aux verres de vin. C’est notamment Venise la capitaine en la matière, ses verres dominèrent le marché européen durant des décennies !
Murano, île connue pour son art verrier unique avec un nombre incalculable d’atelier, commence à styliser le verre à vin. L’invention du “Cristallo” (verre semblable à du cristal) permet de façonner plus facilement les verres et de donner des formes différentes, ainsi que des gravures. Une nouvelle mode apparaît alors, donnant vie à toutes les folies et extravagances que les personnes aisées raffolent.
Malheureusement, la fin du XVIe siècle marquera la déclinaison de cette popularité des verres de Venise. La technique utilisée pour les élaborer demande une quantité de bois (= pour chauffer et travailler le verre) suffisamment conséquente pour voir les différents ateliers se diriger vers des zones plus forestières.
Vous avez peut-être déjà aperçu le nom de l’un d’entre eux… Johann Christoph Riedel fut le premier Riedel à se lancer dans le commerce du verre de luxe. Il s’installa dans le manoir de Neuschloss, au nord de la Bohême, non loin de Haida et Steinschönau, devenues les plaques tournantes mondiales du commerce avec un cristal que l’on appellera “Cristal de Bohême”. Aujourd’hui, Riedel est une marque reconnue mondialement pour la qualité de ses verres.
Un roi inquiet…
En 1676, le cristal tel qu’on le connaît apparaît à Londres par le biais d’un dénommé George Ravenscroft, qui utilisa un mélange de charbon et d’oxyde de plomb. Le succès est au rendez-vous, il se démarque des verriers italiens et s’impose sur le marché du verre (l’Angleterre déjà n°1 pour la bouteille). Quelques années plus tard, la production s’intensifie et de nouveaux produits voient le jour comme les verres à pied, même si ces derniers ne seront guères adoptés par le marché.
Ils ne le sont d’ailleurs pas non plus à la cour de Louis XIV, on préfère les verres à eau pour apprécier tout le charme du vignoble français. Enfin du moins, pour l’instant… car ce charme cache également quelques fourberies : la cour de Versailles s’inquiète.
En 1672, la mort d’un alchimiste du nom de Jean Baptiste Godin lève le voile sur une affaire sordide impliquant du poison. Les enquêteurs découvrent une liste d’acheteurs comportant plusieurs noms dont celui de la Marquise de Brinvilliers. Cette dernière se réfugia à Londres mais sera arrêtée, renvoyée à Liège et enfin exécutée en 1676. La cour du Roi Louis XIV est secouée, d’autant plus que la Marquise fera des révélations des plus terribles : plusieurs personnalités de la cour sont des parties prenantes d’un trafic de poison…
Le climat se tend, on a peur pour la sécurité du roi et de sa cour qui cherche désespéramment des solutions. Parmi celles-ci, l’une va changer la façon de déguster le vin pour les siècles à venir. Le poison, jugé indétectable par les enquêteurs, peut être glissé dans le vin lors des folles soirées de la cour. On se méfie alors des serveurs, tout à fait capable d’être rémunéré pour servir un verre empoisonné et accomplir une tâche atroce.
La cour exige alors l’utilisation des verres à pied, pour que ces serveurs n’aient autre choix que de tenir le verre par le bas, réduisant la possibilité d’insérer une substance toxique. Depuis cette histoire, le verre à pied fut naturellement le plus utilisé de la cour et est devenu une marque de noblesse…
Une cour qui deviendra “made in France” lorsque Louis XV (roi de France de 1715 à 1774) approuvera les Verreries de Baccarat et de Saint-Louis, qui produiront les premiers verres en cristal français !

Une dégustation des plus plaisantes !
Dorénavant considérés comme irremplaçables, les verres à pied s’industrialiseront et de plus en plus de foyers en disposeront dès le XIXe siècle. Le verre n’est alors plus considéré comme un matériau de luxe et son usage en devient commun. L’art de la table prend forme avec l’apparition de nouveaux verres et de carafes qui seront moulés spécifiquement. Le verre par exemple, sera précautionneusement assemblé en trois parties avec le socle sur lequel repose la jambe, qui elle-même supporte le calice.
Aujourd’hui, les verriers n’ont besoin que d’un seul moule pour l’élaboration des verres, la structure est par conséquent plus résistante que des siècles auparavant.
L’art de la dégustation mettra un peu plus de temps à se perfectionner, c’est dans les années 1950 que Claus Riedel (encore un !) fut le premier à reconnaître l’impact de ce type de verre sur la dégustation. Un verrier passionné avec une idée en tête : les dimensions du verre (taille, forme) et la qualité du matériau ont une grande influence sur les différentes phases de la dégustation…
Le pied a également son rôle à jouer puisqu’il permet aux amateurs du vin de savourer sans prendre le verre à pleines mains (et de réchauffer le verre). Il est également plus facile d’aérer le vin avec ce fameux geste qui consiste à faire tourner le verre. Les verres à pied sont également plus raffinés, accueillant vos convives avec élégance.
Le monde viticole s’est par la suite structuré et a crée le verre INAO en 1970. Ce verre deviendra la norme pour toutes les dégustations et salons. Plusieurs types sont apparues au cours du temps : les flûtes de Champagne, les verres de Bourgogne et de Bordeaux…
À vos verres !
En vous souhaitant de futures belles dégustations…
À bientôt.
Joris

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Pour ajouter un petit plus à ce bel article. Je vous conseille de regarder le film « L’affaire des poisons » de 1955 qui résume bien l’ambiance générale de la Cour du roi lors de ces fameux empoisonnement !
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